Cette nouvelle délibération s’inscrit dans l’appréciation constante de la CNIL en matière de vidéo surveillance :

  • Respect de l’intimité des personnes
  • Transparence du dispositif.

 

1. Videoprotection - vidéosurveillance, quelle différence ?

La vidéo protection concerne la mise en place de caméras dans les espaces ouverts au public tel que les halls d’accueil de l’EHPAD.
Cette mise en place fait l’objet d’une autorisation préalable délivrée par le Préfet du lieu d’implantation du dispositif et après avis de la commission départementale de vidéoprotection.
La vidéoprotection est régit par le code de sécurité intérieur .

La vidéosurveillance concerne la mise en place de caméras dans les espaces privatifs de l’établissement, tels que les couloirs réservés aux professionnels et aux résidents, les salles de repos du personnel et les chambres des résidents.
Cette mise en place relève du champ de compétences de la CNIL et doit répondre à la réglementation informatique et libertés et au RGPD.

En ce sens , la CNIL rappelle que la mise en place d’un dispositif de vidéosurveillance doit obligatoirement être inscrit sur le registre des traitements de l’EHPAD et faire l’objet d’une AIPD préalable, susceptible d’être transmise à la CNIL en cas de risque résiduel élevé.

 

2. Vidéosurveillance et résidents : quelles possibilités ?

La mise en place d’un dispositif de vidéosurveillance est un acte intrusif qui porte atteinte à l’intimité du résident.
Pour cela, il ne doit être envisagé qu’après avoir mis en oeuvre tous les autres moyens permettant d’assurer la sécurité du résident.

En effet, il ne s’agit pas d’améliorer un « service rendu » au résident ou de « confort » mais bel et bien d’assurer la sécurité des résidents lors d’une enquête pour maltraitance avec suspicion étayée de mauvais traitement après la mise en place d’autres moyens techniques ET l’échec des procédures d’enquête interne de levée de doutes.
C’est sous cette double condition que les caméras pourront être installées dans les lieux privés de l’établissement.

 

3. Vidéosurveillance et professionnels : quelles possibilités ?

L’employeur a la possibilité de contrôler le travail de ses employés et d’évaluer sa bonne réalisation.
Toutefois, il reste soumis aux principes de :

  • Proportionnalité entre le moyen mis en oeuvre et le but poursuivi par ce moyen
  • Transparence et d’information des personnes concernées.

Le principe de transparence peut toutefois etre atténué par le principe de proportionnalité.
En effet, comme l’a récemment rappelé la Cour de Cassation , l’employeur peut utiliser un dispositif de vidéosurveillance à l’insu de ses employés si cela est justifié par le but poursuivi et si les conditions quant au visionnage et à la conservation des images sont posées.


Néanmoins, le possible recours à un dispositif de vidéosurveillance doit être mentionné dans le règlement intérieur de l’EHPAD après passage en CSE et, sauf circonstances particulières, faire l’objet d’une information individuelle et collective des employés.

 


4. Que faire en pratique ?


4.1. vis à vis du résident.

Dans tous les cas,

  • Mettre tous les moyens en oeuvre pour éviter de recourir à la vidéosurveillance tels que des dispositifs d’appels du personnel, de prévention des chutes et des fugues, de surveillance des résidents…
  • Mettre en place une clause spécifique au sein du contrat de séjour avec mention des conditions de mise en oeuvre de la vidéosurveillance
  • Établir une procédure de mise en place et d’utilisation de la vidéosurveillance et la faire valider en comité de la vie sociale (CVS)
  • Mentionner dans le règlement intérieur de l’EHPAD le recours à la vidéosurveillance.


En cas de suspicion étayée de maltraitance et échec des enquêtes internes de levée de doute, mettre en place un dispositif de vidéosurveillance:

  • Avec une information collective et individuelle
  • Après le consentement du résident (obligation d’information) et, à défaut, de son représentant légal (tuteur, titulaire de l’habilitation familiale…)
  • De façon limitée : uniquement dans les chambres des personnes concernées, sur un temps limité
  • Respectueux de l’intimité des résidents :
    • Possibilité de désactivation du dispositif lors des visites des proches (sauf si cela va à l’encontre du but poursuivi)
    • Floutage des parties intimes

 

4.2. vis à vis des professionnels

Dans tous les cas,

  • Mentionner dans le règlement intérieur de l’EHPAD le recours à la vidéosurveillance et le soumettre au CSE.
  • Rappeler que la vidéosurveillance ne peut pas être mise en oeuvre par les familles et doit être déployée en collaboration avec l’établissement
  • Établir une procédure de mise en place et d’utilisation de la vidéosurveillance et de conservation et de visionnage des images et la diffuser
  • Réaliser une information collective sur le recours à la vidéosurveillance
  • Former le personnel sur la maltraitance et sur le cadre de signalement des maltraitances
  • Prévoir une clause dans le contrat de travail portant sur l’usage de la vidéosurveillance pour permettre une information individuelle.


En cas de suspicion étayée de maltraitance et échec des enquêtes internes de levée de doute, mettre en place un dispositif de vidéosurveillance:

  • Prévoir une information des professionnels, sauf si cela va à l’encontre du but recherché.


La CNIL en profite pour rappeler les dispositions concernant les professionnels et l’EHPAD en cas de doute et suspicion de maltraitance.

  • Information des autorités administratives : ARS, préfet, président du conseil départemental (article L331-8-1 CASF)
  • Responsabilité pénale engagée pour non dénonciation de mauvais traitement infligée à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique (article 434-4 code pénal)
  • Mise en place d’une protection proche de celle des lanceurs d’alerte (article L313-24 du CASF) en cas de témoignage de mauvais traitements sur un résident


Il convient également de rappeler que l’information des "autorités judiciaires, médicales ou administratives" de "maltraitances, de privations ou de sévices » infligés à une personne qui n'est « pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique » fait partie des situations de dérogation au secret professionnel prévues par l’article 226-14 du code pénal.

 

En conclusion
Par cette délibération, la CNIl rappelle les grands principes qu’elle avait établis quant à l’usage de la vidéosurveillance en les toilettant à la lumière du RGPD.


La vidéosurveillance est une situation attentatoire à l’intimité et doit donc être encadrée et anticipée.

La vidéosurveillance, ce n’est ni systématique, ni continu, ni en accès libre