Mise en oeuvre de l’encadrement de l’interim médical à l'hôpital public
L’encadrement de l’intérim médical avait été annoncé, puis retardé pour cause de crise liée au COVID-19, avant d’être remis à l’ordre du jour par l'entrée en vigueur de la Loi RIST le 3 avril 2023.
Cet encadrement est maintenant effectif et ses modalités de mise en oeuvre précisées par une instruction ministérielle validée par le Conseil d’Etat.
Comment recruter les médecins, dentistes ou pharmaciens intervenants temporairement ?
Suite à la mise en extinction des anciens statuts des praticiens contractuels, des praticiens attachés et des cliniciens à compter du 7 février 2022, l’intervention temporaire des médecins, dentistes et pharmaciens se fait, comme auparavant, soit sous forme d’intérim, soit sous forme de contrat de droit public à durée déterminée.
Pour rappel, en cas de recours à une société d’intérim, l’établissement de santé établit un contrat avec une société d’intérim médical afin que celle - ci mette à sa disposition un de ses professionnels salariés.
Il est également possible que la société d’intérim agisse comme une société de placement, c’est à dire d’intermédiaire, et propose à l’établissement public un praticien à recruter.
L’évolution se situe sur le motif de conclusion du contrat de droit public à durée déterminée, que ce CDD soit conclu directement entre le médecin et l’hôpital ou par l'entremise d'une société d’intérim.
En effet, l’article R. 6152-338 du code de la santé publique prévoit 4 causes limitativement énumérées permettant le recours à un praticien contractuel au sein d’un établissement sanitaire public :
« 1° Pour assurer le remplacement d'un praticien lors d'une absence ou en cas d'accroissement temporaire d'activité ; (…); »
« 2° En cas de difficultés particulières de recrutement ou d'exercice pour une activité nécessaire à l'offre de soin sur le territoire ; (…) »
« 3° Dans l'attente de son inscription sur la liste d’aptitude » en tant que praticien hospitalier (PH) (…)
4° Dans le cadre d’une collaboration avec le secteur privé ou la médecine de ville.
La présence sur une période de courte durée, voire de très courte durée (vacation) d’un médecin, dentiste ou pharmacien peut se fonder soit sur le 1° soit sur le 2° de l’article R6152-338.
Quelles conséquences sur le recrutement ?
Les conséquences de l’utilisation du motif 2 : un encadrement tarifaire et administratif a priori .
Le motif dit « Motif 2 » de l’article R. 6152-338 concerne les postes ne parvenant pas à recruter soit du fait de la spécialité (tel que le manque de praticiens formés et disponibles sur le territoire), soit du fait de particularités liées à l’exercice professionnel (telles que l’isolement géographique).
Cette situation doit faire l’objet d’une information auprès du Directeur de l’Agence Régionale de Santé (ARS) afin d’essayer de trouver une solution permettant de pallier cette carence en professionnel médical.
A défaut de solution autre, le Directeur de l’ARS autorise le recrutement d’un praticien contractuel.
En effet, le contrat pluri annuel d’objectifs et de moyens (CPOM) fixe « le nombre maximal, la nature et les spécialités des emplois de médecin, odontologiste ou pharmacien qui peuvent être pourvus dans un établissement public de santé par un contrat » sur le Motif 2. (Art. R. 6152-340)
L’utilisation de ce motif nécessite de l’anticipation de la part de la commission médicale d’établissement (CME) et de la direction de l’établissement dans la détection des difficultés de recrutement, des départs à la retraite etc. afin de pouvoir alerter le Directeur de l’ARS suffisamment précocement d’une recherche infructueuse de candidat et pouvoir prévoir le recrutement contractuel au sein du CPOM.
Il est à savoir que le CPOM est conclu pour une durée de 5 ans et fait l’objet d’une évaluation annuelle de ses indicateurs de suivi et de résultat pouvant aboutir à un avenant au dit CPOM. La tension dans le recrutement, notamment des médecins, dentistes et pharmaciens, peut être abordée lors du dialogue de gestion annuelle entre l’ARS et l’établissement de santé afin d'être intégrée par voie d'avenant.
Dans cette perspective, la consultation de la CME en matière de « gestion prévisionnelle des emplois et compétences, s'agissant des personnels médicaux, odontologiques, pharmaceutiques et maïeutiques » et de « politique de recrutement des emplois médicaux » prend tout leur sens.
Une fois le recrutement d’un praticien contractuel acté dans le CPOM, la conclusion du contrat est encadrée notamment financièrement.
La rémunération de ce praticien pourra être constituée d’une part fixe et d’une « part variable subordonnée à la réalisation des engagements particuliers et des objectifs prévus au contrat » (article R. 6152-355), en plus des primes et indemnités (article D. 6152-356), telles que indemnités de sujétion, les astreintes et déplacements, la prime d'exercice territorial etc.
La part fixe de la rémunération du praticien, constituée par « le montant des émoluments bruts annuels », « ne peut excéder 119 130 € » pour un emploi à temps complet.
La part variable, quant à elle, est « subordonné(e) à la réalisation des engagements particuliers et des objectifs prévus au contrat, et est arrêté définitivement » après l’entretien d’évaluation du praticien par son chef de service. En effet, ce dernier doit transmettre au directeur de l’établissement public l’évaluation du praticien accompagnée d'une « proposition de montant de la part variable ». Seule possibilité pour permettre de sortir du plafonnement de la rémunération, cette part variable doit néanmoins être objectivée par l’évaluation de l’atteinte d’objectifs précis par le praticien.
Le recrutement d’un praticien contractuel sur la base du Motif 2 nécessite donc anticipation de l’hôpital et autorisation préalable du Directeur de l’ARS et est soumis à un encadrement financier qui laisse peu de place à une rémunération liée à l’offre et la demande du marché.
Les conséquences de l’utilisation du motif 1 : un strict encadrement tarifaire et administratif a posteriori.
Le motif dit « Motif 1 » de l’article R. 6152-338 a pour objet de faire face au remplacement d’une absence ou à un accroissement temporaire d’activité. Ce sont ces situations qui entraînent usuellement le recours à l’intérim médical.
Le montant des dépenses liées à l’intérim budgétaire ayant été estimé trop élevé, pour les finances hospitalières et par comparaison aux rémunérations perçues par les praticiens hospitaliers, il a été décidé de réguler ces dépenses.
Le plafonnement du montant allouable aux médecins, dentistes et pharmaciens n’est pas nouveau.
En effet, l’arrêté du 24 novembre 2017, qui est entré en vigueur au 1° janvier 2018, fixait déjà « le montant du plafond des dépenses engagées par un établissement public de santé au titre d'une mission de travail temporaire ».
De façon progressive, le plafond journalier de dépenses était limité ainsi : 1 404,05 € pour l'année 2018 puis à 1 287,05 € pour l'année 2019 pour se fixer à terme à 1 170,04 €.
La crise sanitaire que nous avons traversée n’a pas permis l’application de ces plafonds tarifaires mais l’ambition n’a pas été abandonnée.
Aussi, et afin de tenir compte de l’évolution du coût de la vie, l’arrêté du 30 mars 2023 a réévalué le montant du plafonnement fixé dorénavant à 1 210,99€ pour 24h00 de travail effectif (hors frais).
Afin de contrôler le respect de ce plafonnement, un strict contrôle administratif est attribué au comptable public par l’instruction du 17 mars 2023 qui organise le « contrôle des dépenses d’intérim médical dans les établissements publics de santé ».
Dorénavant, le comptable public a pour obligation de contrôler TOUTES les dépenses relatives aux praticiens contractuels, d’en vérifier les fondements et le respect des seuils de rémunération.
En cas de détection d’une anomalie, le comptable public doit alerter le Directeur de l’hôpital.
Les anomalies détectées par le comptable public sont, principalement, de deux types :
- l’absence de contrat justifiant la dépense,
- le non respect des normes tarifaires.
Le Directeur hospitalier devra conclure un contrat ou un avenant au contrat et donc éventuellement écrêter le montant de rémunération convenu initialement.
Or, faire procéder à la signature d’un avenant tarifaire, à la baisse, n'est pas sans risque :
- soit la prestation n’est pas entièrement réalisée, le Directeur hospitalier prend donc le risque de voir le contrat prendre fin, de ne pas pourvoir le poste pour la durée restante, et ainsi de mettre potentiellement en difficulté patients, soignants et établissement,
- soit la prestation est entièrement réalisée, le médecin, dentiste ou pharmacien, désireux de percevoir ne serait ce qu’une partie des fonds promis, signera l’avenant mais il est prévoir que ce contrat de se réitérera pas.
Le Directeur hospitalier pourrait donc être tenté de laisser cette demande lettre morte.
Pour éviter cette difficulté, la dite instruction, prévoit qu’à défaut de mise en conformité, un mail, dont le modèle est fourni (annexe 3), sera envoyé au Directeur de l’ARS dont dépend l’établissement, copie aux directions départementales et régionales des finances publiques, au Ministère de la Santé et au Directeur de l'hôpital.
A compter de cette information, le Directeur de l’ARS a deux mois pour saisir le tribunal administratif pour demander le contrôle de légalité du contrat conclu et son annulation; là encore le modèle de requête est fourni par l’instruction du 17 mars 2023 (annexe 4).
Devant ces encadrements stricts du recours à l’intérim médical, le syndicat des médecins remplaçants dans les hôpitaux (SNMRH) a saisi le Conseil d’Etat en référé afin de contester la légalité de l’Instruction du 17 mars 2023.
Après avoir entendu à l’audience les représentants du SNMRH et du Ministre de la santé et de la prévention, le Conseil d’Etat a rejeté la requête déposée et a validé la légalité de l’instruction par ordonnance du 11 mai 2023.
Le recrutement d’un praticien contractuel sur la base du Motif 1 est soumis à une réglementation très stricte et à un contrôle a posteriori étroit de la part du comptable public pouvant mener à l’annulation du contrat de travail conclu.
Le recrutement d’un praticien contractuel pour pallier une absence ou faire face à un accroissement temporaire d’activité ou affronter des difficultés particulières de recrutement ou d’exercice est dorénavant très encadré et le respect de cet encadrement suivi.
L’avenir nous dira si cet encadrement tarifaire des rémunérations des praticiens contractuels présents sur des courtes durées sera accepté et permettra le bon fonctionnement du service public hospitalier et l’amélioration des dépenses hospitalières ou si les postes resteront vacants entrainant fermeture de services ou aménagement de leurs amplitudes horaires.
L’attractivité des hôpitaux pour les médecins remplaçants ne se fera plus uniquement sur des considérations financières. Une négociation raisonnée bien menée permettra de satisfaire les besoins de part et d’autre et de pourvoir les postes.
Affaire à suivre…
Arrêté du 5 février 2022 fixant le montant et les modalités de versement de la part variable des praticiens recrutés par les établissements publics de santé en application du 2° de l'article R. 6152-338 du code de la santé publique
Arrêté du 24 novembre 2017 fixant le montant du plafond des dépenses engagées par un établissement public de santé au titre d'une mission de travail temporaire
Arrêté du 30 mars 2023 modifiant l'arrêté du 24 novembre 2017 fixant le montant du plafond des dépenses engagées par un établissement public de santé au titre d'une mission de travail temporaire
INSTRUCTION INTERMINISTERIELLE N° DGOS/RH5/PF1/DGFIP/2023/33 du 17 mars 2023 relative au contrôle des dépenses d’intérim médical dans les établissements publics de santé
INSTRUCTION INTERMINISTERIELLE N° DGOS/RH5/PF1/DGFIP/2021/226 du 4 novembre 2021 relative au report du contrôle de l'intérim médical dans les établissements publics de santé
INSTRUCTION N° DGOS/RH5/2022/56 du 28 février 2022 relative aux nouvelles règles applicables aux praticiens contractuels.
INSTRUCTION N° DGOS/RH5/2022/57 du 28 février 2022 relative à la rémunération des praticiens contractuels recrutés dans les établissements publics de santé.